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LA NOUVELLE REVUE.

— Allons, tu te moques pas mal de l’estime des Exelmans, des Maury, des Laforest. Je te croyais brave.

— Je suis brave.

Il fixa ses yeux sur les miens et d’un air de nonchalance :

— Si tu aimais un homme qui ne pourrait pas t’épouser, le suivrais-tu ?

Il y eut un silence, très sincèrement je répondis :

— Oui.

— Bien, cela !

Une douceur inconnue passa dans ses yeux. Je retrouvai l’homme qui m’avait attendrie, le jour de mes premières confidences. Sa main frôlait l’étoffe de ma jupe, paresseusement.

— Ah petite révoltée ! Tu es quelqu’un, toi ! Tu as un cœur, une âme, des sens !… Tu l’aimeras bien, celui que tu aimeras.

Je murmurai :

— Qui sait ? J’aime encore Rambert.

— Comment ! fit Maxime en fronçant les sourcils. Tu ne t’es pas guérie de cette petite rougeole d’âme, de cette petite maladie de gamine sentimentale ?… Dans six mois, tu l’auras oublié, ton Rambert… Quoi ! Tu pleures ?…

Il arracha une touffe d’herbes, et riant, me la jeta au visage.

— Tu vas t’enlaidir ! Marion, console-toi. Tu seras aimée, adorée, encensée… Tu marcheras sur les cœurs… Tu…

— Cesse tes plaisanteries… Tu m’irrites !

Je me levai ; je voulus repasser le ruisseau. Maxime fit un geste pour me retenir. Je m’élançai : un églantier retint ma robe et je glissai, les pieds dans l’eau.

— C’est bien fait ! criait Maxime.

Pleurant de colère, je m’assis sur la rive. Il s’approcha de moi.

— Tu ne t’es pas fait mal ?

— Non… mais j’ai les pieds mouillés. Mes pauvres petits souliers !…

Avec une sollicitude presque tendre, il m’interrogeait :

— Tu vas t’enrhumer… N’as-tu pas froid ?… Il faut ôter tes chaussures… Le soleil les séchera vite…

Confuse, redoutant les questions de ma marraine, je me laissai convaincre. J’enlevai mes souliers, puis mes bas. Maxime m’offrit des feuilles pour essuyer mes pieds nus.

— Tu t’y prends mal, dit-il. Laisse-moi faire…