Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/356

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— Allons ! dit Maxime, c’est convenu… Jouis de ton plaisir jusqu’au bout, chère maman…

J’admirai comme il avait su dissimuler sa joie d’amoureux sous l’espèce d’un sacrifice fait par le bon fils à la tendre mère… Mme Gannerault m’enveloppa de mon burnous, me remit un flacon de sels et multiplia les recommandations affectueuses. Au bras de Maxime, je sortis.

— J’ai tout deviné, me dit-il, quand nous fûmes arrivés sous le péristyle… C’est une dure, mais salutaire leçon… Ton Rambert…

— Ah ! Maxime, je t’en supplie !… Ne prononce plus ce nom.

Il me fit monter en voiture… L’air était sec ; le galop des chevaux martelait le pavé sonore. De brèves lueurs, coupant l’ombre où nous étions blottis, nous révélaient nos visages… Et soudain, les bras de Maxime s’ouvrirent : « Je t’aime, moi ! Je t’aime ! » Je me sentis saisie, emportée, brisée sur une poitrine haletante, dans une étreinte où s’exaspéra ma colère, où fondit ma douleur, où tressaillit en moi le désir de la bravade et de la revanche… Me perdre… Oh ! me perdre délicieusement, volontairement… Oublier… vivre !… « Marianne, Marianne, je t’aime ! — Maxime, je veux t’aimer !… » Comme elles soupiraient, nos lèvres confondues… En vain, une rétraction intérieure, un reploiement de tout mon être, le geste instinctif de la vierge qui se défend me raidirent, glacée, sous le baiser de Maxime… « Aime-moi !… Je veux t’aimer !… » Et ma bouche s’ouvrait, et mes bras défaillaient et une fièvre me brûlait avec une douceur abominable dans les bras de cet homme que je n’aimais pas… La volupté coulait dans mes veines avec l’oubli, la fureur, le désespoir… Et le fiacre nous emportait et je me sentais rouler dans le vertige, dans les ténèbres, vers un abime où je souhaitais mourir.

XIII

Je m’éventai, le lendemain, brisée, fiévreuse, avec un cri de honte et de douleur :

— Qu’ai-je fait, mon Dieu ! qu’ai-je fait ?… Je n’aime pas Maxime !

Non, je ne l’aimais pas !… Ma courte folie de la veille, cette étreinte dans la nuit, ces baisers où je n’avais rien mis de mon