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Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/362

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J’appréhendais et je souhaitais l’occasion d’un tête-à-tête. Par un jour bleu d’avril, dans le salon parfumé des premiers lilas, je me trouvai seule, enfin, avec celui en qui je mettais mes espérances. J’étais assise sur le canapé, les deux mains tendues vers lui, et il me regardait sans paraître comprendre.

— C’est bien toi, Marianne, qui me tend la main ?

— Maxime… Tu es irrité contre moi ?

— Pardieu ! Est-il bien généreux, ma chère amie, de dire à l’homme qui vous aime : « Va-t’en, oublie-moi ! » à la minute précise où l’oubli lui est devenu impossible ? J’ai suivi tes conseils pourtant. Je suis parti.

— Et tu m’as oubliée ?

— J’ai essayé, pendant que tu flirtais avec Montauzat.

Je baissai la tête. Maxime s’assit près de moi

— Folle ! dit-il, folle et infortunée qui cherches dans les images l’amour que je lui offrais. Sois sincère ! Tu as voulu te faire épouser ?

— Oui, répondis-je accablée. Je ne peux plus mentir. Pense ce qu’il te plaira. J’ai été folle comme tu dis… et bien malheureuse.

— Et tu n’aimes plus Rambert ?

— Oh ! non !

— Et personne ne t’aime ?

— Personne.

— Marianne… — sa voix se nuança de tendresse — pendant ces mauvais jours, as-tu quelquefois souhaité me voir ?

Je levai les yeux. Et tout à coup, presque malgré moi :

— Ah je n’ai que toi au monde, je n’ai que toi… Aime-moi ! Apprends-moi à t’aimer… Oh ! cher Maxime !

J’étais dans ses bras, sous ses lèvres, et la chaîne distendue se resserra dans un baiser.


Dès lors, je me consacrai à Maxime. Je l’encourageai au travail, et rapportait de son voyage un peu d’argent, quelque notoriété, une ambition immense. Ses Souvenirs d’un diplomate publiés dans la Conquête, sous un transparent pseudonyme, avaient ému la presse officieuse. On accusait le mystérieux Pradès d’exciter les sentiments internationalistes par la révélation et la défiguration des petits mystères de la politique extérieure. Les mots de lèse-patrie, de crime social, furent prononcés sans que