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Page:La Nouvelle revue française, année 26, tome 51, numéros 298 à 303, 1er juillet 1938.djvu/78

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et des dieux à la nature, dans le concert des oliviers et des amandiers en fleurs. La caresse du matin, cette minute si fraîche dans la contrée brûlante, enveloppe les feuilles grises et les corolles blanches. Le feuillage immobile a, pour les yeux, la douceur immatérielle d’un parfum.

On ne peut croire aux moissons qui dorent la plaine. Ces épis maigres ne sont pas faits pour donner aux hommes leur pain de froment. Ils sont roides et sans un frisson. Jamais ils n’ondulent à la brise. Ils ne sont là que pour la gloire d’être un tapis aux dieux, pour l’ornement. Et les degrés immenses qui montent aux temples si hauts et si durs, ils ne sont pas à l’échelle de l’homme. Les dieux seuls les descendent, et les remontent, sans témoins, sous le dais des étoiles, dans leurs promenades nocturnes.

Sous les amandiers, l’ombre de la terre est du bleu le plus fin, le ton du myosotis qui se fane. On dirait d’une eau sans un pli qui mire la lumière d’un astre. Que ces arbres, l’amandier, l’olivier, les pins sont délicieux à qui les contemple : ils sont amis de la lumière ; ils y croissent fiancés : ils l’appellent et la laissent passer à travers eux, de tous côtés, de tous leurs doigts, de tous leurs cheveux. Arbres sacrés, quel que soit leur âge, ils sont toujours jeunes : ils sont légers. Ils sont amoureux. Les oliviers centenaires, c’est le Roi David qui attend Bethsabée, Nestor qui reçoit Briséis sous la tente, et le grand sultan Salomon qui donne à dîner à la reine de Saba : il a promis de lui faire entendre Omar Khayam, le plus beau des oliviers, qui sue une huile d’or et un vin rose. Arbres sans poids ni ombres denses, déjà pareils dans leur passion à leur propre cendre ! Ô vertu qui m’est la plus chère de toutes, grâce unique de la solidité, comme la grâce de l’âme est le sourire de la grandeur.

Une troupe de chèvres s’avance en bondissant, faisant les pas et les figures qui conviennent au ballet du