le Temple. Ici enfin, l’utilité suprême, qui est la beauté pure, et la vie du ciel à l’échelle de l’homme, est accomplie.
Quel front se compare au fronton ? Quels bras, quels membres aux colonnes ? Et le vide intérieur, enfin purifié des entrailles, n’est plus occupé que par l’autel, l’encens de la poésie, et la prière et la prophétie. Ô face sublime, où le soleil réside, où les ombres se fondent en corolles, où la nuit mène le chœur à six voix, à dix voix, à onze voix des colonnes. Iktinos, c’est toi le musicien des sphères en ce monde si lourd. Celui qui n’a pas vu le temple frémir et prêt à te suivre, à s’envoler sur tes ailes, n’a pas compris la beauté de ton œuvre ; et comment, te servant de l’or et du marbre, de l’ivoire et de la pierre, architecte, tu es l’homme qui délivre la matière.
Milan Iktinos, ta longue traîne de plumes, divisée en deux pointes, ta fourche d’avion a servi de modèle à Icare. Dans l’espace, que tu lances l’éclair de ta flèche ou que tu planes tel que l’astre, tu règnes : tu fais peur à toute la vermine d’en bas. Ton ombre seule épouvante le poil à quatre pattes. Les brebis tremblent et les agneaux bêlent. Cependant, Iktinos, tu n’as même pas un regard pour ce gibier qui fuit : tu mesures le ciel avec ton aile ; tu fais le plan qui convient à la maison des dieux, et tu bâtis. Et dans les siècles des siècles, il faudra qu’ils disent : « C’est Iktinos, c’est un homme qui a bâti cette maison des dieux ». Ton esprit ne quitte pas son œuvre : tu ne peux parler qu’à elle, elle ne parle qu’à toi. Vous vivez à jamais dans ce puissant entretien. Et tu es toujours là, qui veilles.
Ô Iktinos, tu croises tes courbes au-dessus des colonnes. Je suis tes pensées, ce vol éternel qui mesure avec délectation le temple issu de ton calcul, corps de ton rêve. Plane, milan ; plane, esprit royal. Ô mortel assez grand pour avoir fait un accueil digne d’eux aux immortels.