Page:La Pentecôte du Malheur.djvu/23

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dialecte de pirates. La langue allemande est semblable à un bienfait qui, venant directement de Dieu, pénètre jusqu’au fond du cœur, comme un baume précieux. C’est à nous, plus qu’à aucun autre peuple, qu’est confiée la véritable direction de l’existence humaine. Notre pays, par l’emploi de la force militaire, est parvenu à un degré de culture qui n’aurait jamais pu être atteint par des moyens pacifiques.
« La civilisation souffre toutes les fois qu’un Allemand se fait Américain. Renonçons à nos futiles efforts pour justifier l’action de l’Allemagne. Nous l’avons voulu. Notre puissance créera une loi nouvelle en Europe. C’est l’Allemagne qui frappe. Nous sommes, sans comparaison, moralement et intellectuellement supérieurs… Il faut… que nous combattions les fauves russes, les mercenaires anglais et les fanatiques belges. Nous n’avons à nous excuser de rien. Il importe peu que tous les monuments qui aient jamais été construits, tous les tableaux qui aient jamais été peints, tous les édifices qui aient jamais été élevés par les plus illustres architectes du monde soient détruits… La pierre la plus vile, marquant l’emplacement de la tombe d’un grenadier allemand, est un monument plus glorieux que toutes les cathédrales de l’Europe réunies. Pas de respect aux tombes de Shakespeare, de Newton et de Faraday ! »
« On nous appelle barbares. Et après ? Voici quelle doit être la mission de l’Allemagne :… l’enseignement de la haine… l’organisation de la haine… l’enseignement du désir de haïr. Abolissons la fausse honte prématurée. Il nous a été donné la foi, l’espérance et la haine ; mais la haine est la plus excellente. »

XII.

La patrie admirable de Goethe pourra-t-elle oublier la leçon prussienne et retrouver la pure santé de l’esprit, ou bien a-t-elle trop longtemps respiré les miasmes ? On ne saurait le dire dès à présent. Elle est toujours dans l’enceinte murée. Comme des choristes bien stylés, les Allemands répètent encore que c’est l’Angleterre qui a fait la guerre, que Louvain n’a pas été détruit, que Reims n’a pas été bombardé, que le Vaterland est l’inoffensive victime de la jalousie universelle. Quand les voyageurs demandent des preuves, le chœur bien stylé n’a qu’une réponse : « Les fonctionnaires de notre gouvernement le disent ». Berlin, Cologne, Munich, toutes les villes font cette même réponse aux étrangers. On n’y sait rien de ce que nous savons. On les empêche de le savoir. Les cerveaux portent encore l’uniforme prussien et font automatiquement l’exercice à la prussienne. L’adversité pourra-t-elle délivrer l’Allemagne de cette malédiction ?

Un fait s’est produit à Louvain — peu de chose, il est vrai, mais ce peu de chose nous fait espérer. On avait logé, dans la maison d’un professeur de l’Université, des soldats allemands, qui se montraient bien disposés, pleins d’égards, inoffensifs. Tout-à-coup, sur l’ordre qu’ils avaient reçu, ils se ruèrent sur le