Page:La Réforme sociale, série 3, tome 5, 1893.djvu/188

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ciété actuelle et dans la suppression de la propriété : avec les accents émus du divin Maître s’adressant aux déshérités, ses enfants de prédilection, le Saint-Père a rappelé aux travailleurs leurs devoirs envers leurs patrons et leur a recommandé la modération dans leurs revendications, réprouvant tout appel à la violence et à la force. À ceux qui possèdent l’usine, la terre ou la fortune, il a rappelé les devoirs sévères qui leur sont commandés par l’Évangile et en tête desquels sont inscrits : Justice et Charité. Et la charité chrétienne, qu’on le retienne bien, n’est pas seulement celle que Jésus-Christ a encouragée en promettant ses récompenses à celui qui en son nom donne un verre d’eau à l’un des siens, c’est-à-dire l’acte méritoire par lequel on partage avec l’indigent son nécessaire. La charité chrétienne comporte le devoir impérieux, l’obligation pour celui qui a le superflu d’y ménager la part du pauvre et de se regarder pour cette part comme l’intendant de celui qui lui a fait sur cette terre la tâche si facile et si douce. C’est une obligation étroite qui ne peut avoir de prescription ni de sanction dans aucune loi humaine, mais dont il sera demandé un compte sévère par la justice immuable, éternelle, et le riche égoïste oublieux de ce devoir verra avec confusion, nous dit l’Écriture, de son réduit obscur le misérable Lazare rayonnant des splendeurs de Dieu.

La tâche que son fondateur a donnée à l’école de Le Play est de commenter ces instructions et de rappeler sans relâche et sans découragement ces devoirs supérieurs à ceux qui peuvent travailler au relèvement du pays et à l’apaisement des révoltes soulevées par la loi mystérieuse de l’inégalité des conditions, loi dont l’apparente injustice ne nous sera expliquée qu’au tribunal suprême : jamais il n’a été plus nécessaire de proclamer bien haut la nécessité de faire rentrer Dieu dans les lois, et dans les mœurs les commandements de Dieu et la morale de l’Évangile.

Vous sentez tous, Messieurs, combien, dans ces circonstances décisives et délicates, vos travaux eussent gagné à rester sous la direction de l’homme éminent qui était votre président il y a quelques jours encore : la précieuse expérience de M. Gibon, éclairée par un bon sens inaltérable, une bonté parfaite, un véritable amour pour l’ouvrier avec lequel il a si longtemps vécu, le désignaient si vos statuts l’avaient permis, comme le guide le plus autorisé pour vos études et vos publications. Je suis certain d’être votre interprète en assurant que vous conserverez un souvenir reconnaissant des ser-