Page:La Réforme sociale, série 3, tome 5, 1893.djvu/189

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vices qu’il a rendus à la Société d’économie sociale. Vous ne vous étonnerez pas que je me sente très troublé par le redoutable honneur que vous m’avez fait en m’appelant à lui succéder. Parmi les hommes distingués qui portent si haut votre drapeau vous auriez pu trouver un chef plus désigné ; pour vous montrer ma gratitude je vous apporterai du moins toute ma bonne volonté et je vous demande de m’en tenir grand compte.

Si la mission que vous me confiez me permet d’exercer une direction sur vos travaux, j’appellerai votre sollicitude et vos recherches sur un des points du problème social qui a fait l’objet de communications que je vous ai soumises dans ces dernières années.

Je veux parler de la situation des campagnes, et surtout de la tendance qui pousse les habitants des villages à quitter leurs demeures pour chercher dans les villes un travail que le plus souvent ils n’y rencontrent pas. Cette tendance est inspirée par les attraits d’une vie moins rude, l’appât de distractions faciles, l’espoir de salaires plus élevés ; elle est souvent aussi déterminée par l’abandon dans lequel on laisse l’ouvrier rural, par la diminution du travail manuel, l’emploi plus généralisé des machines, les nécessités de la culture actuelle qui entraînent le cultivateur à restreindre la main-d’œuvre pour augmenter, par l’emploi des procédés nouveaux, le rendement de son domaine.

Qui sait si, dans un avenir peu éloigné, l’obligation de produire beaucoup en diminuant les frais généraux n’amènera pas les propriétaires à s’associer pour une exploitation commune qui, se rapprochant de plus en plus de l’exploitation industrielle, réunira de grandes superficies où la machine et le mécanicien joueront le principal rôle et qui chasseront du hameau ses habitants privés de travail ? Pour conjurer ou, tout au moins, retarder ce péril, il faut que les agriculteurs s’attachent à trouver un développement aux petites cultures, à celles qui occupent pendant un temps toute une famille et qui la font vivre en lui permettant, pendant les chômages, de mettre en valeur un modeste patrimoine attenant à sa maison et dont la propriété lui serait garantie, comme cela se fait ailleurs, par une protection légale.

Il faut aussi et surtout chercher à procurer, dès à présent, au villageois indigent les avantages et l’assistance que l’ouvrier trouve dans les villes. Je ne veux pas abuser encore de votre bienveillance en vous développant un programme qui m’entraînerait trop loin,