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VIVE LA MARIEE

aller toucher la plaque en fonte d’un arbre, croyant qu’elle est en fer. Le curé est embarrassé par la soutane. Ne pouvant réprimer plus longtemps son envie, ne sachant plus ce qu’il fait, il en affuble brusquement la mariée, puis s’engouffre (Unis l’urinoir. A ce moment le marié en sort. Il voit un curé, et s’aperçoit avec- terreur qu’il a le visage de sa femme. A ce spectacle il bondit, et court en criant : «On a changé ma femme en curé. «Justement, sur Je trottoir d’en l’ace, voici une boutique d’armurier, fl achète promptement un revolver et revient devant l’urinoir. Le chauffeur de l’autocar trompe pour faire remonter dans sa voiture toute la compagnie. Fou de rage, le marié tire sur la mariée-curé qui s’effondre, puis il se brûle la cervelle en disant, avec une pose théâtrale : « fatalité. » Mais pendant qu’il achetait le revolver, l’homme en chemise, ayant réussi à dépister les agents, était revenu, juste comme le curé sortait satisfait de l’urinoir. Le curé avait repris sa soutane à la mariée stupéfaite. L’édicule était à nouveau vide, tous les mâles de la noce s’étant soulagés.

L’homme en chemise et le curé y étaient entrés, avaient remis leurs vêtements respectifs, et étaient sortis de l’urinoir. A ce moment précis revenait le marié avec son revolver. Il avait donc tiré sur le curé, le prenant de loin pour la mariée changée en curé. Mais c’était vraiment le prêtre qu’il avait tué. Le marié mort, voilà la suite des. noces bien compromise. Les parents parlementent. Il est impossible d’en rester là, et de renvoyer chez eux les invités : cela tombe sous le. sens. Le chauffeur, qu’on a retenu pour plusieurs heures sera furieux, les invités déjà mis en train comptent encore s’amuser, danser, bien dîner surtout. On les mécontentera gravement en leur faisant une telle déceptioù. Et puis le dîner est commandé, une salle retenue pour toute la nuit. Alors... comment faire ? On ne peut tout de même pas continuer sans marié. L’homme qui a prêté ses vêtements au curé est là. Ou lui propose de faire le marié. Il hésite, mais le père du défunt, le père de la mariée, le chauffeur même l’encouragent. Allons! il voudra bien faire le marié. Il entre dans l’urinoir, où il change ses vêtements contre ceux du marié mort. Quand i) sort, les agents tout penauds reviennent, lamentablement bredouilles, et. ne le reconnaissent pas, maintenant qu’il est habillé.

Tout le monde remonte en voiture. L’autocar démarre.

La noce repart.

Quelqu’un qui passe crie : « Vive ht Mariée ! » Pierre UNIK.

LE JURY DU PRIX FÉMINA "VIE HEUREUSE" SANS COMMENTAIRES