Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/111

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qui la flanquaient abattaient les hautes herbes ; car la nature du pays avait changé. Ce n’était plus le gazon court et frais des prairies que nous venions de traverser. Le terrain était couvert de cette dangereuse graminée, croissant à hauteur d’homme, qu’on appelle macéga, à tige dure et à côtes coupantes, qui rend la marche si pénible en beaucoup de parties du Paraguay.

Nous allâmes passer l’Apa en face de Bella Vista. Le bataillon d’infanterie de Goyaz no 20 formait l’avant-garde sous les ordres du capitaine Ferreira de Païva ; mais, en avant même de ses tirailleurs, commandés par un jeune et brave officier nommé Miro, et destiné lui aussi à une mort prochaine, on voyait se hâter le vieux Lopès monté sur un beau cheval bai, de ceux que son fils et nos autres réfugiés avaient enlevés aux Paraguéens. Il était au comble de la joie, l’œil comme celui d’un oiseau de proie, fixé sur Bella Vista qu’on commençait à apercevoir. Tout à coup, au moment où nous venions de le rejoindre, son front s’assombrit : « La perdrix, nous dit-il, s’envole de son nid, et elle ne veut pas même nous laisser ses œufs. » Il montrait en même temps une légère fumée qui s’éle-