Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/113

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attardés par le regret de la proie qu’ils nous abandonnaient et par la rage qui les poussait à tout ruiner. D’autres à cheval, en plus grand nombre, se retiraient sans ordre.

Notre guide Lopès se mit à les braver par des coups de sifflet et par des apostrophes de mépris dont il était difficile de ne pas rire. Ils auraient pu revenir contre nous, et ces robustes cavaliers, sur leurs puissantes montures, avec leurs sabres pesants, auraient eu bon marché de notre petit nombre, montés et armés à demi comme nous l’étions ; mais nous n’y pensions guère, et Lopès encore moins que nous. Cet intrépide vieillard nous avait presque toujours précédés dans notre course au grand galop, quelques efforts que nous eussions pu faire ; il redoublait à chaque moment de vitesse, pensant à sa femme, deux fois prise et emmenée captive au Paraguay, à tous les siens, à ses amis, aux compagnons de sa vie, prisonniers avec elle ; mille souvenirs d’atrocités anciennes et récentes allumaient en lui une violente soif de vengeance.

Une fois le passage effectué par le corps d’armée, le fort, qui consistait seulement en