Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

espérances de gloire sitôt dissipées ; notre proie nous échappait, et nous ne voulions pas encore nous avouer qu’il y eût nécessité absolue à nous en dessaisir. Faudra-t-il toujours dans nos rêves voir ce magnifique pays ouvert devant nous sous un si beau ciel, et d’où nous nous serons retirés au moment où nous venions d’y faire connaître la supériorité de nos armes ? Les munitions nous manquent, il est vrai ; mais n’en pouvons-nous recevoir d’un moment à l’autre ? N’en a-t-on pas demandé depuis longtemps à Nioac ? S’il en arrivait, disait un officier à ses camarades, le colonel, qui n’a encore pu se décider à prononcer le mot de retraite, aurait bientôt ordonné le retour offensif contre l’ennemi. Nous nous égarions dans ces vaines pensées, sans y attacher d’autre importance.

Un homme cependant recueillait avidement ces conversations, c’était notre malheureux guide. Soucieux, sombre et sans avoir adressé un seul mot à personne depuis que nous rétrogradions, il était absorbé dans la contemplation des souffrances de sa famille, réduite en captivité, exposée à être torturée, l’étant peut-être, sa femme, ses enfants, ses parents, ses amis.