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Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/165

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campagne. Les cerner, les dominer, les pousser en avant fut pour ces péons, les premiers du monde, l’affaire d’un instant ; puis tout disparut : la plaine était libre, le combat avait cessé[1].

Les premiers moments furent donnés au plaisir de la victoire, et les acclamations qui partirent spontanément de toute notre ligne étouffaient le bruit des trompettes et des fanfares.

Toutefois, à cette scène d’enthousiasme et de joie, en succéda une autre de désolation. Le terrain était couvert des mourants et des blessés de l’ennemi : plusieurs de nos soldats, enivrés par la poudre et le feu, voulaient en finir avec eux ; nos officiers, saisis d’horreur, s’efforçaient en vain de leur arracher ces victimes des mains, en leur reprochant l’indignité d’une pareille boucherie. Heureusement que nos Indiens étaient demeurés sous l’impression des menaces du colonel pour les mutilations qu’ils avaient fait subir à des cadavres ; ils s’abstinrent de toucher à aucune forme humaine, animée ou inanimée. Ils n’en furent que plus impitoyables

  1. Les Paraguéens y perdirent cent quatre-vingt-quatre hommes. C’est le nombre indiqué sur une grande croix qui y fut érigée par ordre du commandant Urbiéta.