Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/166

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pour les chevaux, dont ils n’épargnèrent pas un seul, qu’il fût étendu par terre et donnant encore quelques derniers signes de vie, ou blessé légèrement, s’étant remis à paître tout harnaché. On voyait d’ailleurs, comme inévitable accompagnement de ces déplorables scènes, le pillage effréné auquel se livraient les petits marchands et les suivants de l’armée ; les femmes aussi en prenaient leur part. Les corps étaient déshabillés, fouillés, et les dépouilles sanglantes passaient de main en main comme des marchandises, souvent disputées avec violence.

Les cadavres paraguéens, objet des premières spoliations, restèrent ainsi tout dénudés, étendus au soleil. Nous en remarquâmes un, celui d’un jeune homme de formes athlétiques, dont la tête avait été traversée par une balle d’une tempe à l’autre : les yeux s’étaient tuméfiés dans leurs orbites, et après tout le sang qui avait déjà coulé en abondance, il s’épanchait encore de dessous le front de grosses gouttes qui ressemblaient à des larmes : saisissant emblème du passage exterminateur de la guerre sur sa vaillante nation sacrifiée par un chef impie.

Quelles idées lugubres n’éveille pas un champ