Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/220

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aggrava toutes nos souffrances. Les cholériques, entassés auprès de la petite tente des médecins, en plein air et sans abri, reçurent sur leurs corps glacés les averses qui se succédaient par intervalles. Ces malheureux faisaient mal à voir, en proie qu’ils étaient à une extrême agitation, déchirant les haillons dont on cherchait à les couvrir, se roulant les uns sur les autres, tordus par les crampes, poussant des vociférations, des hurlements qui se confondaient en un seul cri articulé : De l’eau !

Les médecins étaient à bout de ressources ; les infirmiers, d’abord zélés et actifs, s’étaient découragés devant le nombre croissant des malades, et, malgré l’ordre qui avait prohibé comme fatal l’usage de l’eau, ils en donnaient pour satisfaire un moment au moins les moribonds ; là se bornaient leurs soins.

On ne s’en mit pas moins en marche le matin du 21. Le chariot et le fourgon, qui portaient plus du double de leur charge ordinaire, laissaient de tous côtés pendre des bras, des jambes, des têtes qui appartenaient déjà à la mort. Les caissons, les affûts de l’artillerie n’étaient