Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/239

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auprès de lui, rompus de fatigue, épuisés par tant de secousses, nous ne pouvions combattre un écrasant sommeil tout rempli d’images d’abandon et de massacres.

La translation des victimes avait duré toute la nuit, jusqu’aux premières lueurs du jour. C’est à ce moment d’agonie des infortunés qu’on abandonnait, que le vieux guide Lopès, revenu la veille de son excursion sur ses terres, et qui nous avait déjà appris que son fils était malade, vint nous annoncer sa mort. Il avait la voix tremblante, mais son attitude était calme. « Mon fils est mort, dit-il ensuite au colonel, et je désire porter son corps sur mes terres au premier lieu où j’aurai l’idée de le déposer : c’est une petite faveur que je sollicite pour lui et pour moi ; sa vie, comme la mienne, appartenait à l’expédition. Dieu, qui est le maître, l’a sauvé plusieurs fois de la main des hommes pour le prendre lui-même aujourd’hui. »

Tout s’assombrissait à tout moment autour de nous. Rien n’était plus digne d’inspirer la sympathie et la pitié que l’aspect du colonel, depuis l’ordre qu’il avait donné et qui s’accomplissait pendant que nous commencions à marcher.