Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/249

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avaient été telles que le Miranda s’était gonflé d’une manière effrayante, sifflant et écumant sur les racines dénudées des arbres de la rive, et ne permettant pas d’espérer qu’on y pût découvrir un gué avant plusieurs jours : c’était cependant pour la colonne le seul moyen de passer. Nous ne pouvions songer à établir un pont, lorsque nous avions à peine assez d’hommes valides pour le service des gardes : hommes cependant bien capables encore d’ardeur et d’énergie dans un combat, mais non d’un travail manuel continu, tel que l’exige une construction importante. Nous étions donc, sous les yeux des Paraguéens, selon une expression de ces dompteurs de bestiaux, comme un troupeau parqué, destiné à la boucherie.

Néanmoins, en dépit de l’aspect menaçant de la rivière, quelques hardis nageurs, poussés par la faim, se jetèrent à l’eau et, contre toute attente, après beaucoup d’efforts, atteignirent l’autre rive ; ils n’y trouvèrent pas trace d’ennemis. Ce qu’ils découvrirent, ce fut la tranquille demeure de notre vaillant guide, entourée d’une belle plantation d’orangers, réalisation aussi agréable que complète des promesses du vieil-