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Page:La Revue, volume 56, 1905.djvu/101

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se donner une force qui n’hésite pas à faire la chose voulue et dans le temps voulu, à frapper seulement quand on doit frapper et à mourir bravement quand le temps de mourir est venu. »

Dans ses discours, le Samurai traite tout ensemble de la vérité, de la loyauté et du courage, si bien que leurs significations sont souvent confondues.

Comme dans la chevalerie des pays de l’Occident, le mot « vrai » est devenu un terme général, et « vrai chevalier » peut signifier presque tout : brave, loyal ou simplement accompli. C’est ainsi que le mot gishi (littéralement un homme franc) est devenu synonyme de Bushi ou Samurai. Les « 47 Ronins », les fameux partisans du seigneur d’Ako, qui consacrèrent leur existence à la vengeance de la mort de leur maître et, leur but atteint, mirent fin à leurs jours, sont ordinairement appelés « les 47 gishi ».

Le Bushi-no-itsi-gon, ou « la parole d’un Samurai », était sacré. Aussi pour un Samurai, avoir à donner sa parole par écrit, ou demander une attestation, était chose humiliante. Un chant japonais s’exprime ainsi :

« Tous doivent croire un Samurai. Le Samurai est au-dessus du commun des hommes autant que la fleur de la cerise, la reine des fleurs, est au-dessus des autres. Il ne manque jamais à sa parole. »

Innombrables sont les récits qui célèbrent l’amour du Samurai pour la vérité et le sentiment de l’honneur.

En voici un exemple, celui de Mori Rammaru, le page favori de Ota Nobunaga, le Shogun prédécesseur du grand Hideyoshi :

Nobunaga aperçut un jour son page comptant les cercles qui ornaient le fourreau d’un sabre précieux. Voulant faire cadeau de cette arme à son favori, sans exciter des jalousies, le Shogun offrit, le même soir, de la donner en récompense à celui des gens de sa suite qui pourrait deviner le nombre exact de ces cercles. Pendant que tous les autres s’efforçaient de réussir, pour obtenir le prix, Rammaru seul gardait le silence. À la fin, le Shogun lui demanda pourquoi il ne prenait pas part au concours. « Mon Seigneur », dit le page, « prétendre deviner ne serait pas honorable de ma part, attendu que je connais le nombre des cercles, pour les avoir déjà comptés. » Personne n’ayant pu deviner exactement, le Shogun donna le sabre à l’enfant. Ce même page prévint Nobunaga de la révolte de palais qui coûta la vie au Shogun. Il avait remarqué que Akechi Mitsuhide, un puissant vassal du prince, assistait à un banquet au palais, se montrait si perdu dans ses pensées, qu’il avait laissé tomber de sa main les bâton-