Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/259

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je le reconnais maintenant, les révolutionnaires de la majorité moins chercheurs de petite bête avec leur esprit de décision voyaient plus clair.

— Sur les chefs militaires, votre opinion ?…

— Cluseret, un poseur. Son chic était de montrer qu’il était brave (il l’était en effet) et d’épater les gardes nationaux. Quand des fédérés apportaient telle nouvelle grave, demandaient des renforts etc… il leur répondait tranquillement : « Rentrez, mes enfants, je m’en charge, tout va bien. » Eux rentraient, disant : « Quel homme, quel sang-froid ! » Lui, reprenait sa pipe et, bien assis dans son fauteuil, allongeait les jambes sous la table. Quant à Rossel, c’était un fanatique religieux et patriote. Sans être un troupier dans le mauvais sens du mot, il ne croyait pas beaucoup à la garde nationale et de fait pendant les deux mois de lutte, presque tout l’effort de la bataille fut supporté par huit ou dix mille hommes des corps francs.

La Commune ne pouvait prétendre à introduire la discipline dans ses troupes. Elle ne pouvait se brouiller avec personne. Les actes de répression rigoureuse lui étaient impossibles. Bergeret, lui, m’apparaît comme un peu fumiste. Eudes était tout à fait inconscient de son rôle. Sa bravoure, comme celle de Duval, était d’ailleurs merveilleuse. Dombrowski était habitué à la guerre de barricades. C’était un entraîneur admirable et il était brave comme un Polonais. Prêta-t-il l’oreille aux propositions de Versailles ? peut-être voulut-il rouler l’adversaire ?
WROBLEWSKI
puis soucieux de se laver du soupçon il se fit tuer à la barricade de la rue Myrrha. Wroblewski était très intelligent. La Cécilia très brave, mais perdant un peu la tête devant la responsabilité d’un commandement.

— Au point de vue financier ?

— Jourde n’était pas un financier transcendant, mais un comptable exact et honnête ; il borna son rôle à distribuer aux arrondissements les sommes indispensables. Beslay ne sut pas tirer parti de la Banque.

— La vie à la Nouvelle Calédonie ?

— Sinistre au delà de toute expression. Il y eut cependant une éclaircie lors de l’élection de Grévy à la présidence. On nous invita alors à faire des recours en grâce, nous promettant qu’ils seraient accueillis. À la déportation simple les recours furent très nombreux. Ils le furent moins à la déportation dans une enceinte fortifiée. Au bagne, où j’étais, il n’y en eut presque pas. C’étaient les hommes les plus compromis. Il y avait là de braves gens d’ouvriers, des humbles qui n’avaient pas à garder une attitude en vue de quelque siège futur de conseiller municipal ou de député, eh bien, ils écrivirent des lettres d’indignation furibonde en réponse à l’offre qui leur était faite. J’ai gardé une admiration profonde pour