Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/270

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chauffe, réchauffe-moi ! D’un hiver rigoureux, — murs nus de la prison — après des mois, des mois, mon cœur s’échappe… Viens !

Le soleil… sur la maison… — Oh ! du feuillage de tes cheveux enveloppe mon corps ! Comme un oiseau dans la verdure j’enfouis ma tête… en tes cheveux ! Et dans tes yeux, ton âme, — mon âme, — je l’enfouis.

Tu venais vers moi, lente, le plus lentement possible…

Vite, le plus vite possible, je vais, je cours à toi.

Je cours… Ah ! ralentis… On est très lent, si c’est vers le bonheur qu’on va. — Comme on se hâte, lorsque vers des larmes on va…

Vite, vite, vers ceux qui ne seront plus là…

Il entre… — Le soleil éclaire la maison.


Il entre. Que veut-il ? On ne le connaît plus.

Exprès peut-être ? On ne veut pas le reconnaître.

— Mais je suis… C’est moi qui… — Possible ! Est-ce qu’on sait !

La cour, voyez ! entrez ! C’est bien là ? Vous êtes sûr ? Vous vous reconnaissez…

Nous… Non ! On ne sait pas. Il y a si longtemps ! Est-ce qu’on sait même l’adresse et le nom de tous les gens… — cité ! auberge de misère ; il en passe, il en passe… — de tous les gens qui vinrent souffrir un instant là !

Pourtant c’est bien ici. Qu’est-ce donc qui a changé ?

Rien ! Mais rien… Écoutez. On crie, on se cogne, en bas. Ce sont d’autres ivrognes. On chante, au-dessus. Ce sont d’autres esprits heureux. Là-haut, on tousse… Mais c’est une autre poitrinaire. Ça ne peut pas toujours être la même qui se meurt…

Et lui, — l’amant de la belle blonde, — qu’on disait…

Ils s’adorent toujours. Seulement c’est un autre.


Bien.

Libre ! plus libre encore qu’il ne l’avait pensé.

Toute chaîne morale rompue. Toute ! — Libre, vraiment libre. Rien à lui, même sa femme. Libre, effroyablement.


La Liberté ! Cela danse d’abord dans la tête. Étrange… — Réveil subit après un cauchemar. Ivresse louche. Éblouissement d’en dedans qui erre par les ténèbres, Lumière fiévreuse, qui blesse vos yeux lâches, bêtes de nuit !

Que manque-t-il donc au ciel, — si grand, si nu, si vide ! — Que manque-t-il donc au ciel, pauvre oiseau ! — Des grillages ?

Les grillages rassurants, aimants, — qui tenaient chaud…

Partie ! Aux joies de ce monde la belle s’en est allée.

Elle n’a pas attendu qu’une société meilleure, rêve de plaisir durable, facile et abondant, comble toutes les famines par des satiétés…