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Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/69

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dytes des cavernes du Nord, ils ne l’avaient pas vu depuis six mois !

— Fais voir ! père, dit l’enfant.

IX

Le père souleva l’enfant pour qu’il put voir.

Le grand ciel bleu, au-dessus des toits gris et fumeux, l’enfant, de ses yeux avides, questionneurs, le humait. Le soleil, royalement y montait à pas lents, épandant ses clartés comme des bénédictions, et les toits étincelaient, et les yeux s’éclairaient, comme si les cheminées enracinées aux toits, sous le soleil revenu, allaient crever en fleurs. Mais sur ce champ stérile, l’astre passait, royal, et ne fécondait rien.

Il fallut fermer ; l’enfant toussait. Il étouffa, et l’on rouvrit.

Couché dans le fond de sa cage, gentiment il causa. Comme un fiévreux ramené des tropiques, qui guette par les hublots l’instant où va de la mer émerger le sol natal, avant de mourir, l’enfant vers la lucarne se penchait de tout son être, pour voir les champs, les champs qui sont au-delà des toits, les champs qui l’eussent guéri s’il y avait pu atteindre ! les champs qu’à peine, né loin d’eux, il avait vus, et qui tenaient à son âme comme l’air de la patrie, le seul qui fait bien vivre, — patrie plus que patrie, patrie d’avant la vie.

— Passé toutes ces maisons, c’est la campagne, dis ?

— Oui, la campagne, et la campagne, jusqu’à la mer !

— Qu’est-ce que c’est que la mer ?

— La mer, mais c’est de l’eau, de l’eau toujours, sans fin…

Il était des gens qui avaient vu la mer ! Jean ne savait pas, ne pouvait renseigner son petit. C’est très grand. De l’eau, toujours. Ça vit, ça parle, ça remue. Même on dit que ça monte et descend chaque jour. Au loin, à ce qu’on voit sur les tableaux, cela touche le ciel, fait une grande barre au bas du ciel, et l’on dirait qu’elle n’est que du ciel plus épais. La nuit même on les doit confondre, tous les deux noirs, mais tandis que dans le ciel les étoiles ne bougent pas, l’eau qui remue sans cesse roule des parcelles d’astres. On dit qu’on aime la mer, qu’on l’aime à la folie, dès qu’on l’a vue, bien que ce soit un monstre qui mange les gens et noie les bateaux qui vont dessus, mais il paraît qu’elle vous regarde si doucement, étrangement, et qu’elle vous apporte de la nacre et des perles…

— C’est donc tout ce qu’il y a de plus beau, la mer ?

— Ce qu’il y de plus beau. On m’a dit que près d’elle on ne s’ennuie jamais… Il faut aimer la mer…

— Oh ! je voudrais voir la mer…

Ni l’un ni l’autre ne l’avaient vue. Ils la rêvaient, tâchaient de l’évoquer, en vain. La mer… Qu’était-ce donc ! Toute l’eau qu’ils avaient vue ne leur donnait pas l’idée… Ils pouvaient voir une société