Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/124

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et qui suffit à lui seul pour justifier mon appréciation. En voulant défendre la nation française contre un reproche aussi grave, M. Larroumet tombe avec emphase dans la faute que j’ai précisément signalée. Jusqu’ici un pareil système de défense m’était complètement inconnu.

Enfin, n’est-ce pas faire preuve d’un exclusivisme incroyable que de s’offenser de mes convictions pangermaniques ? Je n’insiste pas sur l’injure qu’on essaye de me faire, en ayant l’air de croire que je serais devenu pangermaniste pour la circonstance ! Il y a près de trente ans que je le suis et maintes fois j’en ai fait l’aveu public. S’imagine-t-on que les Scandinaves ou les Allemands considéreraient comme une offense que les peuples latins s’unissent pour faire de la Méditerranée un lac latin ? Mes amis italiens peuvent témoigner que ce serait là mon désir. Rien ne hâterait davantage la délivrance du joug de la tradition et de l’exclusivisme que de vastes plans, notamment une entente entre des peuples de même race, ayant en vue l’intérêt de la paix et du commerce. Pour prouver à mes amis français combien j’étais éloigné de vouloir insulter la France en prononçant mon discours au Cercle de la Presse de Berlin, je terminerai en citant celles de mes paroles qui se rapportent à une alliance germanique pour la paix :

« Chaque été de superbes navires entrent dans nos fjords. Sous leurs pieds ils trouvent des eaux profondes et calmes, et des paysages grandioses les dominent. Mais chaque année le même souhait se présente à mon esprit : Puisse une autre visite, d’une signification plus haute, nous arriver bientôt ! Puisse l’âme germanique pénétrer jusqu’à la fibre la plus secrète des peuples et faire parler le désir intime et profond qu’ils ont de s’unir dans une entente ! Alors la paix du monde serait assurée. Les peuples seraient assez forts pour l’imposer. La vie de l’humanité deviendrait plus fertile en grandes choses. Car d’autres conditions d’existence, des vues plus larges donnent naissance à un autre idéal et à des desseins plus vastes. C’est Berlin qui avec le plus d’énergie a travaillé à réaliser les anciens rêves d’unité allemande. De même, c’est Berlin qui donnera le plus de force au nouveau rêve pangermanique : création d’une entente pour le maintien de la paix universelle ! C’est à la réalisation de ce rêve que je bois dans le Cercle berlinois de la Presse ! »

Bjœrnstjerne Bjœrnson