Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/125

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Du Chômage

Parallèlement à la transformation du travail industriel, se développe le fait social qui en découle nécessairement : le chômage. Aucun phénomène ne se produit d’une manière si nette et si forte. Aucun n’affecte ce caractère de permanence et d’universalité : il sévit sur tous les points du globe « civilisé », soit à l’état chronique, soit à l’état de crise soudaine et meurtrière. Rechercher les causes de ce grand fait économique, en montrer l’étendue et l’intensité, la répercussion et les conséquences, c’est l’objet de cette étude.

INTENSITÉ

L’un des documents les plus instructifs que nous ayons sur le chômage est l’étude statistique établie par le colonel Wright en Massachussetts (États-Unis).

D’après cette étude prise en considération par les rédacteurs de l’Office du Travail (ministère du commerce français), en 1885 sur 816 470 habitants du Massachussetts pouvant se réclamer d’une profession, 241 589, c’est-à-dire plus de 29 % étaient fréquemment sans travail. La moyenne du chômage pouvait être évaluée à 4 mois et 10/11 par an pour chaque chômeur. Ce chiffre de 241 589 individus privés de travail près de cinq mois par an équivaut à 82 744 individus privés de travail d’un bout de l’année à l’autre, soit 11 % de la population laborieuse.

Or il est à remarquer que le chômage va croissant (de 1879 à 1885, cet accroissement a été de 110 %).

Au surplus, le Département fédéral du Travail des États-Unis a aussi entrepris en 1892 une enquête générale sur les quartiers populeux des grandes villes. Ont été considérés comme chômeurs ceux qui, durant l’année finissant au 31 mars 1893, sont restés inoccupés pendant plus d’un demi-mois). Les résultats ont été les suivants :

DURÉE MOYENNE DU CHÔMAGE
Baltimore, 3 mois, 6 Intensité 8 %
Chicago, 3 1 15 %
New-York, 3 1 9 %
Philadelphie, 2 9 15 %

En 1885, le colonel Wright estimait que le nombre des sans-travail de l’Union Américaine ne devait pas s’éloigner de deux millions.

Quant au nombre des sans-travail qui subissent tous les ans un chômage de 2 à 5 mois et qui sont forcés de vivre pendant ce chômage sur le salaire des temps laborieux, il s’élève au moins à six millions. Le