Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/427

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Art. 414. — Sera puni d’un emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d’une amende de 500 à 5 000 francs « quiconque par manœuvres coupables, dons ou promesses ayant ce caractère, menaces, violences ou autres moyens d’intimidation, aura provoqué ceux qui font travailler les ouvriers à former ou à maintenir une coalition tendant à forcer l’abaissement des salaires, etc.

En se retranchant derrière la réserve des menaces, violences, etc., le patronat se ménageait la liberté absolue de coalition ; en effet, voici ce que disait M. Emile Ollivier le rapporteur de la nouvelle loi :

« Qu’est-ce qu’une coalition ?

L’accord intervenu entre plusieurs patrons ou ouvriers d’exercer simultanément le pouvoir qui appartient à chacun d’eux de refuser ou d’offrir le travail… Comment concevoir que le même acte, innocent quand il est accompli par un seul, devienne coupable dès qu’il l’a été par plusieurs ? Stationner seul dans la rue est licite : aussi stationner à plusieurs n’est pas coupable… Dans les deux cas la peine est attachée au trouble apporté à l’ordre public, au mépris manifeste de la loi… »

Cette législation équivoque n’a jamais entravé le mouvement général des coalitions et des grèves patronales. Il en a été de même à l’étranger où le code ménageait la liberté de coalition patronale en ayant l’air de l’interdire et de la punir.

En 1851, un lock-ont formidable de mécaniciens éclatait dans l’établissement de MM. Hibbert et Platt, à Londres. Auparavant les mécaniciens s’étaient mis en grève demandant : 1° que les ouvrages de leur profession cessassent de se payer à la tâche ; 2° que les travaux supplémentaires se payassent double ; 3° que le maniement des nouvelles machines fût réservé exclusivement aux artisans et aux apprentis dûment engagés par contrat. Les patrons refusèrent et demandèrent l’appui de leurs confrères. Ces derniers congédièrent aussitôt tous leurs mécaniciens, en déclarant qu’ils ne les reprendraient que lorsque ceux de MM. Hibbert et Platt auraient retiré leur demande ; ils exigeaient en outre une renonciation formelle à l’Association (ouvrière).

3 000 mécanisions se trouvèrent sans travail et leur chômage entraîna celui d’un nombre de journaliers, double ou triple. Cette grève patronale coûta un million aux ouvriers.

La même année lock-ont dans les constructions navales. Les menuisiers demandaient des modifications dans l’organisation du travail. Les patrons refusèrent et se coalisèrent. D’où quatre mois de chômage.

En 1858 les ouvriers verriers adressent à deux maîtres de verreries de Birmingham une demande tendant à ce que le nombre des apprentis fût limité partout à un chiffre uniforme. Sur le refus des maîtres verriers, peu nombreux, une grève éclata ; au bout de trois mois toutes les verreries se coalisèrent et fermèrent pendant trois autres mois.

En 1860 une réunion de maîtres de forges de l’Écosse à Glascow décida le lock-ont de 87 hauts fourneaux sur les 118 de la contrée.