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À la dure  [1]
CHAPITRE VIII
L’exprès à cheval. — L’eau d’alcali. — Un massacre indien..

Au bout de quelque temps nous mîmes toute notre énergie à tendre le cou et à guetter « l’exprès à cheval », le messager rapide qui filait à travers le continent de Saint-Joseph à Sacramento, portant les lettres sur une distance de 3 600 kilomètres en huit jours. Pensez à ce qu’était un pareil travail pour des chevaux mortels et des hommes de chair et dos.

L’exprès à cheval était ordinairement un petit bout d’homme débordant d’énergie et d’endurance. Peu importait le moment du jour ou de la nuit auquel son tour arrivait, peu importait que ce fût l’hiver ou l’été, qu’il fît de la pluie, de la neige, de la grêle ou du verglas, que son « parcours » fût une route droite et unie ou un sentier hasardeux au-dessus des rochers et des précipices, qu’il le menât à travers des régions paisibles ou à travers des régions fourmillant d’Indiens hostiles, il devait être toujours prêt à sauter en selle et à partir comme le vent. Il n’y avait pas de flânerie pour un exprès à cheval de service. Il chevauchait 80 kilomètres sans s’arrêter, sous le soleil, la lune, les étoiles ou dans la noirceur des ténèbres, comme cela se trouvait. Il montait un cheval splendide né pour la course, nourri et logé comme un personnage ; il le maintenait à sa plus grande vitesse pendant 16 kilomètres, puis dès qu’il pénétrait avec fracas dans la station où deux hommes retenaient un coursier frais et impatient, le transfert du cavalier et des dépêches se faisait en un clin d’œil, et le couple ardent filait dans l’espace et disparaissait avant que le spectateur ait pu leur donner l’ombre d’un regard. Cheval et cavalier « volaient légèrement ». Le vêtement du cavalier était mince et collant ; il portait une casaque et une toque et son pantalon dans la tige de ses bottes comme un jockey. Il ne portait pas d’armes, il ne portait rien que le strict nécessaire, car l’affranchissement seul de sa cargaison littéraire valait 25 francs par lettre. Il n’avait guère de corres-

  1. Voir La revue blanche des 1er  et 15 octobre 1901.