Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/365

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pondance frivole dans son chargement, son sac était plein de lettres d’affaires, presque exclusivement. Son cheval aussi était exempt de tout poids inutile. Il ne portait qu’un petit pain à cacheter de selle de course, et pas de couverture visible. Il n’avait que des fers légers ou pas de fers du tout. Les petites sacoches à lettres, plates, sanglées sous les cuisses du cavalier tenaient chacune environ le volume d’un catéchisme d’enfant. Elles contenaient maint et maint chapitre important d’affaires et mainte lettre pour les journaux, mais ils étaient écrits sur du papier aussi mince, aussi aérien que des feuilles d’or battu, ce qui économisait de la place et du poids. La malle-poste voyageait à raison d’environ 160 à 200 kilomètres par jour (de vingt-quatre heures) ; l’exprès à cheval, à raison d’environ 400 kilomètres. Il y avait à peu près 80 exprès en selle en tout temps, nuit et jour, s’étendant en une longue procession éparse depuis le Missouri jusqu’à la Californie, quarante volant vers l’Est et quarante vers l’Ouest, et à eux tous faisant gagner à 400 vaillants chevaux une vie mouvementée, et leur faisant voir une quantité de paysages dans un seul et même jour de l’année.

Nous brûlions, depuis le commencement, du désir de voir un exprès à cheval, mais pour une cause quelconque tous ceux qui nous dépassaient et tous ceux qui nous croisaient s’arrangeaient pour passer dans la nuit, de sorte que nous entendions seulement un bouillonnement d’air et une acclamation et le rapide fantôme du désert s’évanouissait avant que nous ayons pu mettre la tête à la portière. Mais aujourd’hui nous en attendions un d’un moment à l’autre et nous le verrions en plein jour. Tout à coup le cocher s’écrie :

— Le voici qui vient !

Tous les cous s’allongent de plus belle, tous les yeux s’écarquillent plus larges. Là-bas, à l’extrémité de la plaine infinie de la prairie, un point noir se montre en relief sur le ciel et il est clair qu’il bouge. En effet ! Je crois bien ! En une seconde ou deux, cela devient un cheval et un cavalier, qui monte et qui descend, emporté vers nous de plus en plus près, devenant de plus en plus distinct, de plus en plus nettement dessiné ; plus près, encore plus près, et le battement des sabots arrive confusément à l’oreille ; encore un instant et une clameur et un hourrah éclatent sur notre tillac, un geste part de la main du cavalier, mais pas de réponse et l’homme et le cheval se précipitent au delà de nos figures enthousiastes et s’enfuient à tire d’aile comme un fragment attardé de tempête !