Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/439

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l’alimentation de l’homme ; on leur donne le nom de condiments ou d’assaisonnements : « ce sont, dit Littré, des substances qui excitent et favorisent les sécrétions salivaire et gastrique et satisfont ainsi au besoin naturel ou artificiel d’une digestion prompte ou plus complète. » Au nombre des condiments, à côté de certaines substances végétales (poivre, citron, etc…) on place souvent le sel marin qui est en outre un aliment et même l’un des aliments les plus indispensables à moins qu’il n’existe déjà dans les autres matériaux que nous consommons. Le sel est donc à la fois un aliment et un condiment ; il peut devenir un poison si sa concentration dépasse certaines limites comme cela a lieu chez les individus privés de boisson depuis quelque temps. L’eau elle- même, ce véhicule indispensable de tous les phénomènes vitaux, peut être un poison si elle dépasse la proportion de 993/1 000 dans notre milieu intérieur ; l’eau pure est un poison pour les élément histologiques ; mettez des globules du sang dans de l’eau pure, ils éclatent instantanément ; c’est pour cela que, quand on veut augmenter la pression artérielle par des injections de liquide, on emploie, au lieu de l’eau pure qui serait fatale, un liquide appelé sérum artificiel et qui contient une certaine quantité de sel.

De cette très rapide revue du rôle des différents agents dans notre organisme, il résulte surtout que l’étude de ce rôle est très compliquée. Pour le bouillon, par exemple, il n’y a pas encore entente entre les physiologistes sur la question de savoir si c’est un aliment ou un condiment. Le même problème irritant se pose depuis longtemps pour l’alcool ; il a été étudié récemment par un de nos maîtres à propos de quelques expériences américaines et rien n’a été plus curieux que le sans gêne avec lequel des gens qui n’avaient jamais songé à la question ont déclaré que ce savant était dans l’erreur ; j’ai lu dans la Revue anti-alcoolique un article dans lequel un employé de chemin de fer traitait Duclaux d’ignorant !

Nous ignorons tant, de choses en physiologie humaine, que nous devons nous consoler de ne pas connaître encore le rôle de l’alcool dans notre économie ; nous sommes certains qu’à forte dose c’est un poison mortel ; à des doses moins fortes c’est un anesthésique dont l’emploi répété est très dangereux ; à de petites doses il est agréable et, comme on dit vulgairement, ravigote. Mais entre-t-il vraiment dans la constitution d’une ration alimentaire ? agit-il comme facteur d’autophagie ? est-ce un condiment, un médicament ? Nous l’ignorons totalement et je crois que les