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LA REVUE DE FRANCE

occupé d’ailleurs par la lutte contre les Arabes, les Bulgares et les Slaves, pour pouvoir intervenir en Occident d’une façon efficace.

En 568, elle était devenue la proie des Lombards, qui n’auraient sans doute pas eu grand’peine à achever du premier coup leur conquête s’ils n’avaient été très vite arrêtés dans leur effort par un manque d’entente et une extraordinaire incapacité d’organisation, qui devait, deux siècles après, les mener à leur perte. Par suite de leur arrêt, la domination byzantine avait pu se maintenir tant bien que mal non seulement en Sicile et dans l’extrême-sud, mais encore en divers autres points des côtes de l’Adriatique et de la mer Tyrrhénienne, que la supériorité de la flotte impériale permettait de défendre plus facilement : en Istrie, en Vénétie, à Naples et dans les environs de cette ville. Enfin, au centre, elle était demeurée intacte, sur les deux versants de l’Apennin, de l’embouchure du Tibre à l’embouchure du Pô, dans une zone continue de territoires où se trouvaient englobés tout à la fois le duché de Rome, face à l’ouest, — entre la Marta (au nord de Civita Vecchia), le Garigliano et les monts de la Sabine, — et les deux duchés de « Pentapole » (les Marches) et de Ravenne (la Romagne), face à l’est, avec les villes d’Ancône, Rimini, Ravenne, Ferrare, Bologne, Faenza, Forli. Une route militaire, défendue par une longue suite de postes fortifiés, et qui traversait l’Ombrie du nord au sud presque en droite ligne de Gubbio à Orte par Pérouse, soudait ces deux groupes de provinces et assurait les communications entre les deux capitales de Ravenne et de Rome : l’une, devenue la capitale politique lorsqu’en 404 l’empereur d’Occident y avait transporté sa cour, et où résidait le gouverneur ou « exarque » d’Italie (de là le nom d’  « Exarchat » donné au duché de Ravenne) ; l’autre, l’antique capitale du monde, où l’isolement dans lequel ils vivaient, joint au prestige religieux attaché à leurs fonctions, avait permis aux papes de jouer un rôle, sans cesse croissant, d’administrateurs et d’organisateurs de la défense.

Rien n’était plus gênant pour les Lombards que cette zone centrale, qui coupait leurs duchés de Spolète et de Bénévent de leurs possessions d’Ombrie occidentale et de Toscane. Il fallait s’attendre à les voir un jour ou l’autre chercher à faire brèche de ce côté dans les défenses ennemies, et Rome même, ce jour-là, risquait d’être emportée dans la tourmente.

Brusquement, vers 725, cette menace s’était précisée. Les Lombards étaient enfin sortis de l’anarchie où leurs forces s’usaient