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LA REVUE DE FRANCE

Il y avait un précédent, — peu encourageant, il est vrai : en 739 et 740, Grégoire III avait adressé à quelques semaines d’intervalle trois lettres suppliantes à Charles Martel pour lui demander du secours à l’instant où, pour la seconde fois, Liutprand paraissait prêt à fondre sur Rome. Toute l’éloquence du pape s’était alors dépensée en pure perte. Liutprand était pour Charles Martel un allié dont le concours lui avait été précieux en 738 contre les bandes sarrasines qui infestaient alors la Provence : le prince franc s’était refusé à marcher contre lui dans le seul dessein de complaire au pontife. Mais Pépin n’avait pas les mêmes motifs d’abstention. Il avait, au contraire, besoin, après le coup d’État auquel il devait son titre de roi, de se grandir aux yeux de ses contemporains ; et une alliance intime avec la papauté n’était-elle pas un excellent moyen d’imposer le respect à ceux qui étaient portés encore à contester son pouvoir ?

Le pape, au surplus, déploya pour le convaincre une extraordinaire activité et ne recula devant aucun sacrifice d’amour-propre. Après avoir sollicité par écrit en termes pressants ce prince, qui n’était, somme toute, qu’un parvenu et un usurpateur, il n’hésita pas à traverser les lignes lombardes pour aller, au plein de l’hiver 753-754, jusqu’à sa résidence lointaine de Ponthion[1], l’implorer directement, se placer sous sa protection, lui donner même un gage anticipé de reconnaissance en acceptant de le sacrer roi à nouveau solennellement ainsi que ses deux fils.

Au début de l’été 754, les troupes franques se rassemblaient enfin à Quierzy-sur-Oise, et le roi s’engageait en leur présence et en présence du pape à exiger par la force la restitution de tout ce dont Astolf s’était emparé. Une brève campagne suffit pour l’amener à composition : assiégé dans Pavie, sa capitale, et hors d’état de résister, le chef lombard promit d’évacuer tous les territoires qu’il avait conquis depuis trois ans, tant dans l’Exarchat et dans la Pentapole que dans le Duché romain.

Mais à qui ces territoires seraient-ils remis ? — Légalement, il n’y avait pas d’hésitation possible : le souverain dont ils relevaient était l’empereur : c’était, par suite, à lui qu’ils devaient être rendus. Mais il y avait trois ans qu’il n’y avait plus d’exarque.

  1. À quelque distance de notre ville actuelle de Vitry-le-François.