Page:La Revue de France, tome 6, 1922.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
QUESTIONS D’HISTOIRE

Et puis était-ce donc pour le compte du basileus de Constantinople que le pape s’était donné tant de peine et que Pépin était venu se battre ? Comme ce dernier ne se souciait évidemment pas de garder pour lui des provinces aussi éloignées, ce fut à Étienne II, — qui n’y avait aucun droit, — qu’il les fit « restituer ». Par un acte formel, dont le texte ne nous a malheureusement pas été conservé. Pépin fit remise, — ou, pour employer le mot singulier qui revient souvent sous la plume d’Étienne, — fit « donation » à « saint Pierre » de toutes les cités, villes, bourgades et territoires dont Astolf était tenu par serment d’opérer la livraison. En échange, il reçut lui-même, ainsi que ses deux fils, Charles et Carloman, comme bienfaiteurs et protecteurs de Rome, le titre pompeux et flatteur de « patrice des Romains ».

Le Souverain Pontife était donc officiellement devenu chef d’État. Mais ce n’était qu’un début : il fallait faire vivre et développer ce qui avait été créé sous la pression des circonstances. Or la vie même de la nouvelle Respublica Romanorum était à la merci du roi lombard, que Pépin avait pu vaincre, mais qu’il n’avait pas désarmé. Dès que les troupes franques eurent regagné leurs foyers, il refusa d’exécuter le traité conclu, et tout fut remis en question.

Astolf fit plus : il résolut d’achever son œuvre de conquête en se rendant maître du duché romain dans son entier. Au mois de janvier 756, ses armées campaient sous les murs de Rome, qu’elles bloquaient étroitement. En vain, depuis des mois, le pape multipliait des appels, de plus en plus déchirants, invoquant tour à tour la pitié de Pépin, sa fidélité à la parole donnée, la nécessité pour le bon renom de la royauté franque d’effacer l’humiliation d’un pareil échec ; en vain, pour lui faire honte de son inaction, lui remémorait-il les dures « fatigues physiques et morales » qu’il s’était imposées, lui, chef suprême de l’Église, lorsque, « bravant le froid, la neige, les flots des rivières débordées, franchissant les fleuves les plus rapides, les montagnes les plus effrayantes, ne s’arrêtant devant aucun danger », il était accouru jusqu’à Ponthion ; en vain, par un artifice auquel il est tout de même difficile de croire que son correspondant ait pu se laisser prendre,