Page:La Revue de France, tome 6, 1922.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
LA REVUE DE FRANCE

avait-il fini par lui faire tenir une supplique que saint Pierre en personne était censé adresser au roi franc : celui-ci reculait devant une nouvelle intervention, dont d’autres affaires plus urgentes le détournaient peut-être.

Il finit néanmoins par céder. En 756, l’armée franque s’ébranla derechef dans la direction des Alpes et brisa aussi rapidement que deux ans plus tôt la résistance de l’ennemi. Les résultats de cette campagne furent identiques à ceux de 754 : nouveau siège de Pavie, nouvelle capitulation d’Astolf, nouveau traité par lequel le roi lombard s’engageait une seconde fois à restituer toutes ses conquêtes ; mais, par précaution, un représentant de Pépin, l’abbé de Saint-Denis Fulrad, fut chargé d’aller immédiatement occuper les territoires qu’Astolf était tenu d’évacuer, se faire livrer les clés des villes et exiger partout des otages.

Bien entendu, la « restitution » fut opérée, comme il avait été convenu précédemment, en faveur de « saint Pierre », c’est-à-dire de la papauté. Mais il se produisit, avant la remise des territoires, un incident significatif, qui était de nature à éveiller l’attention de Pépin sur la gravité de ses empiétements : instruit un peu tard des faits qui s’étaient déroulés pendant l’été 754, l’empereur s’était ému et avait dépêché en Occident deux hauts fonctionnaires de son palais, chargés de rappeler le vainqueur des Lombards au respect du droit d’autrui. Quand ils débarquèrent en Italie, Pépin était de nouveau à la tête de ses troupes sous les murs de Pavie. C’est là, et non sans difficulté, que l’un d’eux réussit à le rejoindre et à s’acquitter de son mandat, réclamant d’avance pour son maître les villes de l’Exarchat que le roi franc viendrait à ressaisir et offrant d’ailleurs généreusement de l’indemniser de sa peine. Nous ne connaissons la scène que par le témoignage très partial du biographe officiel d’Étienne II : à l’entendre, Pépin se serait contenté de répondre qu’à aucun prix il ne distrairait les villes réclamées par l’empereur des domaines de saint Pierre, par amour de qui il avait combattu et à qui il les avait déjà « données ». Quoi qu’il en soit, mis nettement cette fois en face d’une situation juridique d’une clarté parfaite. Pépin n’hésita pas à prendre ses responsabilités et, sans s’émouvoir autrement, confirma, après la défaite d’Astolf, la « cession » que, deux années auparavant, il avait faite au Saint-Siège.

Et comment, à tout bien peser, eût-il pu être arrêté par les réclamations du basileus ? Celui-ci avait le droit pour lui ; mais