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QUESTIONS D’HISTOIRE

était-ce le moment de discuter une question de droit quand il s’agissait de savoir, non pas si les provinces visées lui resteraient, puisqu’il avait renoncé à les défendre, mais si elles tomberaient au pouvoir du pape ou au pouvoir des Lombards ?

Avec ces derniers, tout semblait s’arranger au mieux. Le roi Astolf étant mort en décembre 756, on lui avait donné pour successeur le duc Didier, qui passait pour un homme « doux », malléable, et dont la candidature, pour cette raison, avait été appuyée tant par le pape que par l’abbé de Saint-Denis Fulrad, représentant de Pépin. En échange de cet appui, Didier s’était engagé à achever l’évacuation de l’Exarchat et de la Pentapole, c’est-à-dire à joindre aux parties déjà rendues par son prédécesseur celles dont Liutprand avait, trente années plus tôt, opéré la conquête : Bologne, Ferrare, Imola, Faenza, Ancône et la région côtière au sud de cette ville devaient ainsi « faire retour » au pape, qui désormais allait régner sur toute l’ancienne zone centrale de l’Italie byzantine.

Mais Didier n’était pas l’homme qu’on croyait, et quelques semaines suffirent pour ramener la discorde entre ce nouveau roi, dont on avait bien à tort escompté la docilité, et le pape Paul Ier, qui venait presque au même moment de remplacer Étienne II. Didier lui reprochait de poursuivre dans les duchés de Spolète et de Bénévent une politique nettement hostile et en prenait texte pour renvoyer à des temps meilleurs les dernières restitutions promises. Le pape, de son côté, reprochait au roi lombard non seulement de manquer de parole et d’aller jusqu’à réoccuper, en guise de représailles, quelques-uns des territoires précédemment évacués, mais de négocier en sous-main avec les impériaux et de manœuvrer contre l’Église romaine. Et il y avait du vrai dans tout cela : car chacun travaillait pour soi, le pape cherchant avant tout à élargir l’étroit couloir de communication ménagé à travers l’Ombrie entre ses possessions romaines et la Pentapole, et son prétendu « allié » en revenant par la force des choses au programme national de Liutprand et d’Astolf, incompatible avec l’existence d’un État pontifical coupant la péninsule en deux.

Ce fut pis lorsque, dix ans plus tard, à la suite du décès de