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LA REVUE DE FRANCE

Paul Ier (juin 767), le désaccord des électeurs pontificaux et les troubles qui en résultèrent fournirent à Didier l’occasion d’intriguer à Rome, de se ménager des partisans jusque dans la Curie et de préparer un coup d’État, qui eût fait de lui, s’il avait réussi, le maître de la ville et de la papauté.

Il s’en fallut de peu qu’il ne réussît en effet. Didier parvint à se saisir, en 771, de deux des conseillers du pape Étienne III, coupables de résister à ses volontés, — le « primicier » Christophe et le « secondicier » Serge, qui eurent les yeux crevés et furent jetés dans des cloîtres ; mais, sans qu’on sache comment ni pourquoi, un revirement se produisit dans le clergé et la population à l’instant où le roi lombard paraissait assuré de tenir le pontife à sa discrétion : Étienne III étant mort (772), les voix des électeurs se portèrent sur un des membres de l’aristocratie locale, Hadrien, dont le premier geste fut de rappeler auprès de lui tous ceux dont les auteurs du coup d’État avaient obtenu l’éloignement. Et la tension fut telle bientôt entre lui et Didier que les hostilités ne tardèrent pas être rouvertes.

Moins de deux mois après l’avènement d’Hadrien, Didier commençait le blocus de Ravenne, tandis que ses généraux se jetaient simultanément sur la Pentapole et sur le duché de Rome.

Malgré les cris de détresse poussés par le pape, Charles, — le futur Charlemagne, — qui avait en 768 succédé à son père, se refusait à croire à la trahison lombarde. Devenu en 770 le gendre de Didier, il n’était pas loin de penser que les torts, en tout cas, étaient plutôt du côté d’Hadrien. Quand il finit par s’émouvoir des plaintes de plus en plus précises formulées par ce dernier, une partie des troupes lombardes était sous les murs de Ravenne, une autre approchait de Rome. Édifié par le témoignage de trois enquêteurs qu’il avait envoyés sur place, convaincu, après une vaine tentative de négociations, qu’il n’y avait plus de temps à perdre, il répudia la fille de Didier et se jeta avec toutes ses forces sur le royaume lombard (773).

Conscient sans doute du caractère décisif de la partie qui allait se jouer, Didier opposa aux armées franques une résistance opiniâtre. Il essaya inutilement de leur barrer les routes des Alpes, mais réussit à tenir dans Pavie pendant plus de huit mois. Cette longue résistance, loin de le sauver, fut cause de sa perte : car, lorsqu’il dut se rendre, dans les premiers jours de juin 774, toutes les places de son royaume, abandonnées à elles-mêmes, étaient