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QUESTIONS D’HISTOIRE

tombées aux mains de l’ennemi, sans en excepter Vérone, qui passait pour imprenable. La capitulation de Pavie marqua donc la fin de la lutte. Et le succès était si complet que Charles se résolut à l’exploiter jusqu’au bout, en gardant pour lui le trône de Didier : le 5 juin, tandis que celui-ci était envoyé en captivité, le roi franc se faisait couronner à Pavie et recevait les serments de fidélité de ses nouveaux sujets.

Restait à savoir le sort qui serait réservé à l’État pontifical. Car n’était-ce pas pour le sauver de la destruction et lui assurer les frontières prévues dans l’accord de 756 que les armées franques avaient repassé les Alpes et étaient venues combattre dans les plaines de Lombardie ? — Sans doute, mais le couronnement de Pavie posait bien des questions nouvelles.

Comme son père, Charles n’avait parlé d’abord que de dévoûment illimité aux intérêts du Saint-Siège, et il avait même tenu, avant la prise de la capitale lombarde, à venir en apporter l’assurance au chef de la chrétienté : mettant à profit le ralentissement forcé des opérations durant l’hiver et le début du printemps, il s’était rendu pieusement en pèlerinage ad limina. Arrivé aux portes de Rome, le 2 avril 774, il avait fait montre de la plus grande déférence tant pour la personne du pape que pour ses prérogatives souveraines, n’entrant dans la ville qu’avec son autorisation et juste pour y aller s’agenouiller dans diverses églises. Il avait déclaré solennellement que ce n’était « ni l’appât de l’or ou des pierres précieuses ou de l’argent », ni une vaine soif de gloire ou de conquêtes qui l’avait amené à prendre les armes, mais — tout comme son prédécesseur — le seul désir de « réclamer les domaines de saint Pierre, de travailler à l’exaltation de la sainte Église de Dieu et d’accroître sa sécurité ». Joignant l’acte à la parole, il avait fait dresser, à la demande d’Hadrien, et avait déposé ensuite sur le tombeau du Prince des apôtres, une charte par laquelle il confirmait les « donations » de territoires consenties depuis vingt ans à l’Église romaine et dont seule la mauvaise volonté du roi Didier l’avait jusqu’alors frustrée[1].

  1. La « charte de donation » rédigée sur l’ordre de Charlemagne a disparu tout comme celle — ou celles — de Pépin. Le biographe du pape Hadrien en a inséré une prétendue analyse dans le Liber pontificalis, recueil d’allure officieuse composé par tranches successives peu après la mort de chaque pape et parfois de son vivant même pour commé-