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LA REVUE DU MOIS

déjà créé. D’où donc est sortie cette marine de guerre américaine qui compte aujourd’hui parmi les plus puissantes et dont l’essor factice est plus saisissant encore quand on n’oublie pas la décadence de la marine marchande des États-Unis ? des tarifs Mac Kinley et Dingley et de cette conception nationaliste du « home market » qui est l’aboutissement rationnel de l’esprit prohibitionniste.

II

N’y a-t-il donc point d’issue à cette situation ? Dans l’état actuel des divisions politiques de l’Europe, nous n’en voyons pas.

Le rêve des États-Unis de l’Europe continentale est rendu parfaitement chimérique par ce fait que le Zollverein a créé, dans le centre même de l’Europe, un marché si vaste et si puissant que les autres marchés nationaux ne sauraient fusionner avec lui sans être à peu près complètement asservis. C’est surtout entre la France et l’Allemagne que l’abaissement des barrières douanières est rigoureusement impossible au point de vue Français. D’ailleurs chaque année qui s’écoule vient accroître la cohésion du Zollverein ; celle-ci sera parvenue à son comble quand la construction du nouveau réseau de canaux sera venue doubler le réseau de voies ferrées qui déjà réalise admirablement, par l’unité de vues qui préside à son organisation, la concentration vers un même marché allemand et l’essor vers de mêmes débouchés allemands de toutes les forces de production germaniques.

Chose curieuse, et bien faite pour inquiéter ceux que préoccupe l’avenir économique de notre pays : l’Allemagne, née d’hier, et dont l’unité géographique réside sur des bases si peu éprouvées, a su réaliser au plus haut point chez elle l’unité économique, alors que la France, bien plus favorisée sous le rapport de l’unité politique, se voit dépourvue de cohésion économique. Il serait long d’en rechercher les causes ; citons seulement les principales : la situation politique de la France à cheval sur le marché anglo-saxon et sur le marché latin ; la disposition rayonnante de ses fleuves ; l’excessive centralisation de toutes ses activités au profit d’une capitale qui n’est pas un