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Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/60

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L’ÉVOLUTION DU PROTECTIONNISME

centre de grande production ; l’organisation correspondante des chemins de fer et leur autonomie qui met leur exploitation au service d’intérêts ne concordant pas toujours avec l’intérêt national, et suscite entre transports français des concurrences dont profite surtout l’industrie étrangère. Toutes causes qu’on ne peut guère songer à modifier, et grâce auxquelles dans une « fédération » européenne la France entrerait économiquement divisée, vis-à-vis de l’Allemagne, déjà si forte, et, de plus, économiquement unie.

Est-il du moins possible, comme le rêvent certains esprits plus amoureux de l’unité latine que soucieux des vérités géographiques, d’opposer à l’union douanière allemande l’union douanière latine ? L’idée est séduisante, mais combien nous sommes éloignés de sa réalisation ! D’abord l’entrée dans une telle union de la Belgique présenterait certains périls pour nos industries charbonnières et métallurgiques du Nord de la France ; d’un autre côté, le marché de nos vins, déjà très mal en point, ne serait pas précisément élargi par l’union douanière de la France avec l’Espagne et l’Italie. L’entente ne serait possible, avec ces dernières puissances, qu’à condition d’en excepter les vins et certains produits agricoles. Avec ces restrictions, l’union douanière latine serait évidemment très souhaitable, mais elle nous est interdite de par le traité de Francfort : on sait, en effet que ce traité nous impose a l’égard de l’Allemagne la clause de la nation la plus favorisée ; tant que cette clause ne sera pas annulée, nous ne pouvons donc, par exemple, supprimer entre la France et l’Italie les tarifs frappant les produits de la métallurgie sans ouvrir au flux débordant de la métallurgie allemande tout le marché franco-italien : ce serait la ruine des industries françaises que l’union douanière devrait précisément avoir pour but de fortifier.

Cette clause de la nation la plus favorisée tournera toujours, naturellement, à l’avantage de la nation la plus avantagée au point de vue industriel : l’Allemagne. Lors de la discussion récente du nouveau traité de commerce franco-russe, on a fait aux négociateurs français le reproche d’avoir laissé la Russie relever ses droits sur les fers : reproche assez peu justifié, car ce relèvement n’était que le contre-coup d’une mesure visant l’Allemagne, et l’Allemagne eût à peu près seule bénéficié de l’abaissement des tarifs.