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Page:La Revue du mois, année 6, numéros 61-66, 1911.djvu/132

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faisaient espérer le plus bel avenir. Tous étaient venus, dès sa nomination, habiter le Collège de France dans l’appartement qu’occupe actuellement notre secrétaire, voisin de celui réservé à Biot, son collègue de physique mathématique, âgé alors de quatre-vingts ans et qui devait y mourir plus que centenaire, vingt ans après, en 1862. Un étage seulement le séparait du laboratoire où furent accomplies la plupart de ses recherches et où nous conservons les appareils nombreux qu’il imagina et sut réaliser avec une habileté consommée. Rien ne le détournait de sa pensée constante ; la vie de sa famille était liée à son travail ; un détail entre autres : son génial et malheureux enfant, le peintre Henri Regnault, montra dès les premières années d’étonnantes dispositions pour le dessin et aimait surtout saisir d’après nature les animaux dans leurs attitudes familières ; ses amis ont longtemps conservé de lui de nombreux croquis faits vers sa douzième année, d’après une chèvre et un mouton que son père nourrissait dans la cour qui se trouve derrière le Collège pour les faire servir aux expériences qu’il avait entreprises avec Reiset sur la respiration ; ces expériences sont d’ailleurs à peu près les seules qui aient écarté Regnault du plan général tracé pour ses travaux.

Un beau médaillon, qui fut fait de lui en même temps que celui de sa femme, en 1840, par le sculpteur Gayrard, et que nous avons ici, nous le montre à cette époque, la figure complètement rasée, beau comme un jeune homme de la renaissance italienne, avec un profil d’une finesse exquise où s’accuse seulement le menton volontaire des grands conquérants, de César et de Napoléon. D’ailleurs, les quinze années maîtresses dans la vie de Regnault, de la trentième à la quarante-cinquième année, font penser, par la gloire immédiatement conquise, par la rapidité foudroyante des victoires, par la maîtrise de son génie, à la période correspondante de 1795 à 1810 où Napoléon avait exactement le même âge.

Voici le portrait de Regnault qu’a tracé Berthelot :

C’est en 1849 que je le connus et que je reçus de lui une impression et des conseils difficiles à oublier. La science était pleine de sa gloire, son nom répété dans tous les cours à l’égal des plus grands physiciens. Il semblait que le génie même de la précision se fut incarné dans la personne. La célébrité des Gay-Lussac, des Dulong, des Faraday, acquise par tant de belles découvertes, avait d’abord semblé