Page:La Revue du mois, année 6, numéros 61-66, 1911.djvu/136

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quable de clarté et porta exclusivement sur la chaleur, l’acoustique et l’optique et où ses travaux personnels tenaient une grande place, comme en témoignent les tableaux nombreux qui nous restent et où figurent les résultats de ses mesures, ainsi que ses appareils peints par le préparateur de son cours, Silbermann, avec d’autant plus de soin que c’était à peu près la seule tâche à laquelle consentait ce singulier préparateur, dont Regnault refusa les services, sans cependant obtenir de pouvoir s’en séparer, et qui, logé d’ailleurs au Collège de France, conserva jusqu’à sa mort des fonctions qu’il ne remplissait pas.

Les élèves de Regnault venaient surtout pour apprendre par son exemple comment il convient de disposer une expérience et d’interroger la nature pour obtenir de la sybille une réponse claire et précise. Voici comment J.-B. Dumas s’exprime à ce sujet :

Dès ce moment, Regnault introduisait un principe nouveau dans les études de la physique expérimentale. Pour en comprendre la portée, il faudrait remonter au traité classique de Biot où sont exposées avec une si parfaite lucidité les corrections de tout genre au moyen desquelles un phénomène complexe serait débarrassé des causes d’erreur qui le troublent si celles-ci étaient appréciées avec une précision absolue.
xxxx Quiconque, adoptant cette marche, emploie des appareils simples mais exigeant des rectifications nombreuses, reconnaît bientôt cependant qu’elle est pleine de périls. D’un résultat douteux, les corrections ne font jamais une vérité, pas plus que, d’un coupable, les circonstances atténuantes ne font un innocent.
xxxx Regnault pose en principe que le résultat de toute expérience doit se dégager net et clair. Il fait usage de mécanismes compliqués, mais si l’appareil est complexe, le phénomène à observer est simple. Dans l’art d’expérimenter, en fait de corrections, il ne reconnaît qu’un procédé simple : c’est celui qui n’en exige pas. N’est-ce pas d’ailleurs la méthode des moralistes profonds, des politiques heureux et des grands capitaines ? N’est-ce pas en écartant tous les détails parasites et marchant droit au but, qu’ils savent mettre en saillie les lignes maîtresses d’une passion, saisir l’heure opportune du succès dans une époque troublée ou fixer la victoire par une manœuvre décisive au milieu du désordre d’une bataille ? La doctrine qui a constamment dirigé Regnault est là tout entière et, en la mettant en évidence, il a rendu aux sciences un service qui ne sera point oublié, car il s’étend