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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/125

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« — Finissez donc ; quoique suprême pontife, je ne suis ni prophète, ni sorcier pour deviner.

« — Ah ! saint Père, il y a trois jeunes religieuses, auxquelles un diable de peintre a fait avaler sa queue empoisonneuse ; elles sont déjà hydropiques, mais de cette hydropisie qui ne dure que neuf mois.

« — Cazzo[1] ! il n’y a que cela ? Et vous ne savez m’apprendre que d’une manière énigmatique une chose qui est dans l’ordre de la nature ? N’est-ce pas beaucoup que ces pauvres filles passent toute leur vie dans une cruelle prison ? Quand un bon pinceau trouve de bonnes couleurs, qu’y a-t-il de plus raisonnable que de peindre d’après nature ? Qu’on ne fasse point de mal à ce pauvre peintre, car c’est le premier Florentin qui ait su se tenir dans le droit chemin. »

Le lendemain, ayant mandé ce peintre il lui dit :

« — Cazzo ! tu sais bien manier ton pinceau ! » Il dit cela d’un ton si joyeux, que mon homme ne perdit point courage, et avoua le fait sans détours. Pressé par le pape de lui faire un détail exact de ses exploits, il répondit :

« — Ah ! saint Père, vous savez mieux que personne que l’occasion fait le larron : l’on sait aussi, et je ne dis pas cela pour m’en vanter, que c’est plutôt la nature que mon art qui se montre dans mes ouvrages de peinture. J’exer-

  1. Cazzo ! C’était son juron. Ce mot signifie : le vit.