Aller au contenu

Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 116 —

ANGÉLIQUE

Mais j’ai encore trois objections à vous faire, auxquelles je vous prie de répondre, de manière à me rendre tranquille. Si je perds mon honneur, si je deviens grosse… Si je gagne quelque maladie honteuse, que deviendrai-je ? Vous savez, sans doute, que les attraits de l’honneur sont les plus forts pour les âmes bien nées ; que l’honneur une fois perdu ne peut plus se recouvrer ; que l’honneur doit être toujours la règle invariable de notre conduite ; que l’honneur doit l’emporter sur les sens ; et qu’enfin les sentiments de l’honneur doivent nous retenir dans le devoir. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

MARTHE

Je réponds que l’honneur n’est qu’un mot, qu’une chimère ; et je veux qu’on m’écrase si l’on me peut définir et expliquer ce que c’est que l’honneur.

On dit qu’il faut rendre honneur à Dieu, cela est juste ; mais comment ? Par des actes de religion ; mais ces actes varient dans tous les pays du monde. Nous trouvons bizarre, ridicule, absurde, le culte que rendent à Dieu tant de peuples divers ; les autres peuples trouvent bizarre, ridicule, absurde, le nôtre. Les hommes se sont déchirés, se déchirent encore les uns les autres pour défendre la religion ; et les uns et les autres croyent rendre honneur à Dieu, en égorgeant leurs frères. Quel honneur !