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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/211

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quand je serais persuadée de commettre un crime en la faisant ? Croyez-moi, mademoiselle, quelques leçons de pratique persuadent beaucoup plus que plusieurs leçons de théorie.

ANGÉLIQUE

Je n’ai donc point fait de péché.

MARGUERITE

Votre discours me rappelle une question que fit un Juif à un Chrétien.

Ce Juif venait de manger du saucisson dans une auberge où il s’était arrêté pour se rafraîchir. Après qu’il l’eut mangé, il demanda au Chrétien qui était son compagnon de voyage :

« — Croyez-vous, mon ami, que j’aie commis un péché en mangeant du saucisson avec vous ? »

La première réponse du Chrétien fut un grand éclat de rire, ensuite il lui dit :

« — Ai-je fait un péché, moi ?

« — Non, mon ami, parce que votre loi vous le permet.

« — Et pourquoi votre loi vous le défend-elle ?

« — Je ne sais ; mais elle me le défend.

« — Votre loi est bien vieille !

« — Elle vient toujours de Dieu.

« — Et la mienne aussi. Or, y a-t-il de la contradiction en Dieu ?

« — Cela ne peut être.

« — Pourquoi donc permettra-t-il aux uns ce qu’il défend aux autres ? Quand vous avez mangé avez-vous cru faire un péché ?