Aller au contenu

Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 54 —

« — Non, parce que j’ai un peu raisonné, et je me suis dit à moi-même : « Les pontifes romains parlent aux chrétiens de la part de Dieu, et ils leur permettent de manger du saucisson ; nos rabbins nous parlent de la part de Dieu, et ils nous le défendent ; ce n’est donc pas Dieu qui a parlé ; ce ne sont que les hommes. Pourquoi ferais-je un péché en mangeant du saucisson ? Tant de braves en mangent bien, et l’idée que nous avons d’un Dieu infiniment bon, comme il l’est en effet, car sans cela il ne serait point Dieu, est absolument impossible, avec l’idée d’un feu éternel prêt à dévorer un pauvre malheureux pour avoir avalé un morceau de saucisson… qui est si bon ! »

« — Vous êtes le meilleur philosophe du monde. »

Faites-en l’application, mademoiselle, et dites souvent en vous-même : « Peut-il y avoir du péché à manger du saucisson, qui est si bon ? »

ANGÉLIQUE

Cela est charmant ! Mais c’est moi qui en ai mangé du bon cette nuit ; quant à toi ma pauvre Marguerite, je crois bien que tu t’es levée avec la faim.

MARGUERITE

Pas tout à fait, mademoiselle. Ne savez-vous pas que, quelquefois, le plaisir de donner du