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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/213

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plaisir est un grand plaisir ? Que dites-vous, mademoiselle, de ce joli jeu de mots ?

ANGÉLIQUE

Je comprends qu’il y a de la noblesse dans tes sentiments.

MARGUERITE

J’ai eu grand pitié de ce vieil invalide. C’est bien lui qui peut dire avec raison, que l’esprit est prompt, mais que la chair est faible.

À peine fut-il entré dans la chambre que je saisis une de ses mains, sur laquelle j’imprimai avec tendresse quelques baisers : mais je fis semblant d’être tout à coup agitée d’un tremblement universel et presque convulsif ; je poussai avec art un soupir affecté, et je jouai le rôle d’une personne dont le cœur est tout ému, et dont les pleurs sont prêts à couler. Nous n’avions point de lumière, mais la lune donnait en ce moment sur la fenêtre, et éclairait la chambre de manière qu’il pouvait voir ma taille, ma figure, mais non pas en distinguer les traits. En approchant du lit, je me laissai tomber sur une chaise ; il crut que j’allais perdre toute connaissance ; il approcha son visage du mien, et me dit tendrement :

— Rassure-toi, ma petite poule.

— Hélas ! dis-je en moi-même, hélas ! à bonne poule mauvais coq !

— On voit bien, ajouta-t-il, que tu es une terre neuve ?

— Qu’entendez-vous, monsieur, répondis-je