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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/216

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— Vous m’avez bien fait souffrir aussi ; répliquai-je ; je me sens toute inondée de sang ; vous m’avez blessée à mort, et vous dites que vous m’aimez !

— Oui, je t’aime, ajouta-t-il ; ne crains rien : ta blessure se guérira à force de la rouvrir.

Feignant d’avoir l’âme pénétrée de son état de langueur, je lui fis prendre quelques diablotins, de ceux faits avec art, où l’on mêle des mouches qu’on appelle cantharides ; j’en ai toujours une bonne provision pour m’amuser dans le besoin.

Il les avala avec avidité ; il crut se trouver mieux, peu de temps après, se sentant tout en feu.

— Oh ! ma chère, me dit-il, ta chaleur virginale m’enflamme, me donne de nouvelles forces, me rajeunit.

Il saute en selle, et fait un second voyage un peu plus agréable. Il se repose, il promène ses mains défaillantes, et manie tous mes membres ; il s’endort.

Moi, je ne ferme point l’œil : à peine l’aurore blanchit l’horizon, que je le réveille et je le prie de me quitter. Il veut tenter une troisième course, mais la source de sa passion est tarie ; il s’arrête en disant qu’il a pitié de moi et ne veut pas m’épuiser. Il renouvelle ses protestations, ses serments ; il se lève, s’habille ; j’ai le courage d’imprimer plusieurs baisers sur son visage décrépit ; je l’accompagne en chemise jusqu’à la