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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/25

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MARTHE[1]

Je dis et je soutiens que si votre maman avait voulu suivre mes conseils, elle vivrait encore, et vous ne gémiriez pas dans un état si pitoyable. Elle était trop sage, et quand on l’est trop, on ne l’est point. Elle savait bien que votre père aimait ailleurs, et elle faisait semblant de ne pas s’en apercevoir. Un jeune militaire qui fréquentait votre maison, avait su trouver le chemin de son cœur ; elle ne put pas s’empêcher de l’aimer, il en était digne ; mais des scrupules peu de saison l’agitaient sans cesse ; elle ne voulut jamais m’écouter, elle voulut étouffer dans son sein sa passion inquiète et violente ; et c’est cette passion, beaucoup plus que les chagrins que votre père lui causait, qui a avancé son âge, qui a miné son corps, qui l’a plongée dans le tombeau.

ANGÉLIQUE

Tout ce que vous me dites là, ma bonne, me met hors de moi-même. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est que, lorsque je m’attendais à avoir avec vous un entretien spirituel, je vois que vous n’êtes, à dire le vrai, qu’une entremetteuse, c’est-à-dire que vous vous mêlez de commerces illicites.

  1. On prie le lecteur de se souvenir toujours que c’est une maquerelle qui parle, une femme qui fait métier de débaucher et de prostituer des filles.