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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/269

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ANGÉLIQUE

Mais ne devons-nous pas les craindre ces êtres malins ?

MARTHE

Ces êtres malins ? Il faut premièrement prouver qu’ils existent, avant de les craindre. De nos jours, grâce au ciel, les gens sensés ne croient plus aux sorciers, ni aux enchantements, ni aux diables.

Les bons chrétiens qui ont une foi éclairée, disent et soutiennent, avec raison, que c’est un blasphème terrible, de croire, de s’imaginer seulement que le diable, en supposant qu’il existe, ait plus de pouvoir que Dieu même.

Dieu nous a créés pour lui ; Dieu veut que nous soyons heureux et sauvés. Son fils a déchiré, par sa mort, le décret de notre condamnation ; il a enchaîné cette bête cornue ; tout cela est de foi. C’est donc une manifeste contradiction, indigne de Dieu, et uniquement digne de nos prêtres intéressés à cela, de prêcher en même temps que le diable n’a plus aucun pouvoir, et qu’il est si puissant.

Il faut qu’il y ait des péchés à commettre et des diables pour les punir, plutôt qu’un Dieu tout bon, prêt à les pardonner ; autrement les ministres des autels feraient maigre chère. Gardons-nous bien d’être victimes de la méchanceté des hommes, voilà le diable que nous avons à craindre.