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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/27

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pense que l’avidité ecclésiastique fait acheter si cher une longue captivité, j’en frémis d’horreur.

MARTHE

Dieu soit loué ! Votre discours est plein de raison. Par bonheur, si l’on doit se régler sur la rumeur publique, on va bientôt démolir ces prisons infernales. Mais si, pour vous tirer de la misère qui vous accable, je vous proposais d’ouvrir votre cœur à de tendres sentiments, d’écouter la voix de la nature, de mettre au jour vos charmes invincibles, d’étaler vos appas, de rendre heureux quelques jeunes amants, en vous rendant vous-même et riche et heureuse, qu’en diriez-vous ?

ANGÉLIQUE

Oh ! vous allez bon train, ma bonne. Vous ne me parlez point de mariage, je vous le pardonne, puisque je suis pauvre et que je sais bien qu’il n’y a point de maris où il n’y a point d’argent ; mais vous me parlez d’amants !… je sais un peu de grammaire ; je sais distinguer le singulier d’avec le pluriel. Si vous me disiez de rendre heureux un jeune amant, cette proposition blesserait ma pudeur, mais elle ne me révolterait pas tout à fait. Je me connais un peu, j’ai un cœur sensible ; je ne me crois pas indigne ni incapable d’inspirer de l’amour ; le désir ardent de m’arracher à la misère pourrait… Dieu ! je m’égare… je me rendrai criminelle !