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MARTHE

Quel gros mot vous venez de prononcer ! Vous criminelle ? Il est vrai que mon idée n’est pas de vous parler de mariage, sachant, même par mon expérience, que le mariage est une chaîne accablante, et le tombeau de l’amour. Mon idée n’est pas non plus de faire une coquette révoltante qui agace tout le monde et qui cherche à faire un grand nombre de captifs à la fois. Que la raison ne vous abandonne pas, mademoiselle, et vous verrez que c’est plutôt un crime que de vous refuser aux vœux de la nature. Ce jeune chevalier qui aimait tant votre mère a tourné tous ses désirs vers vous ; il vous mettra dans l’aisance, vous le rendrez heureux. S’il est inconstant, — car les hommes ne le sont que trop, — vous n’en mourrez pas pour cela : après lui un autre, et votre vie s’écoulera dans les plaisirs, dans le bonheur. Dites ce que vous voulez, vous êtes livrée aux horreurs de la misère et vous ne trouverez pas d’autre moyen d’en sortir.

ANGÉLIQUE

Mais ne serait-ce pas vivre dans le crime ?

MARTHE

Dans le crime ! Voilà ce préjugé trompeur, dont tant de filles se laissent malheureusement gouverner… Voyez-vous ce livre ?