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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/37

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— Cette bonne vieille, continuai-je, m’assura que c’était un jeune militaire qui, dans une bonne vue, nous faisait ce présent ; que ce jeune homme avait jadis fréquenté notre maison, et que nous ayant connus dans l’opulence, vus ensuite dans la misère, il avait fait vœu, à la dernière guerre, de nous prêter des secours, s’il en revenait victorieux. Elle me laissa enfin ce livre, en disant : « On croit que vous pensez à vous cloîtrer, mais lisez ce livre, et vous changerez d’avis. » Je commençais à le parcourir avec distraction, lorsque vous êtes rentré ; mais si vous jugez sérieusement que la lecture en soit dangereuse, je le rendrai, ou je le jetterai au feu.

Vous voyez, ma bonne, que ce n’est que le premier pas qui coûte, et que la langue une fois déliée pour la fausseté, n’a plus aucune peine à mentir.

Mon père ne fit que parcourir la table du livre, puis il le remit entre mes mains en souriant : il prit d’un air satisfait la bourse et l’argent ; il sortit, et une heure après, il revint avec une marchande de modes et une tailleuse. Ah ! ma bonne, quel plaisir pour moi de pouvoir, après plusieurs années, recommencer ma toilette, paraître dans le monde, voir, être vue, plaire… Dieu ! que mon cœur ne peut contenir la joie dont je me sens transportée !

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