Aller au contenu

Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 43 —


pour y vendre leurs petites marchandises ; ce qui fait que ces gens-là sont absents à peu près la moitié de l’année. Deux mois après le mariage, l’époux s’en va, et sa femme reste seule chez elle. Elle se met souvent sur la porte de sa maison pour prendre l’air, elle file ou tricote ; le curé passe, la salue, s’arrête.

« — Bonsoir, ma chère brebis, vous voilà donc veuve pour quelques mois ; quel dommage ! À peine avez-vous goûté de bons morceaux, qu’il vous faut jeûner… Mais que vois-je !… Il me paraît que vous avez arrondi votre champ… Est-il bien vrai ? Vous êtes enceinte…

« — Enceinte ? Mon cher curé, qu’est-ce que cela veut dire ? Je ne vous comprends pas…

« — Vous êtes déjà grosse.

« — À ce que mon mari m’a dit, je crois qu’oui.

« — Dieu ! quel cœur a votre mari ? Il vous a remplie et a pu vous quitter ? Voilà l’ouvrage imparfait, et vous ne ferez qu’un monstre.

« — Un monstre ! Ah ! l’idée en est affreuse ! Mon sang frissonne, mes genoux tremblent, je me sens mal.

« — Entrons, ma chère ; moi aussi je suis un peu enrhumé ; l’air peut vous faire du mal… Jetez-vous sur votre lit, et calmez-vous ; il y a du remède à tout cela.

« — Pouvez-vous empêcher que je fasse un monstre ?